Personne et famille
Publié par Audrey Aubin-Brushey - 26 janvier 2025
Le Québec innove en matière de soins de fin de vie avec l’adoption de la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives[1], aussi connue sous le nom de projet de loi 11. Adoptée le 7 juin 2023 par l’Assemblée nationale du Québec, cette loi apporte des changements significatifs, notamment en matière de demandes anticipées d’aide médicale à mourir (DAAMM). Ces nouvelles dispositions sont entrées en vigueur le 30 octobre 2024, conformément au décret 1369-2024.
Exclusivité et cadre juridique des DAAMM
Les DAAMM ne peuvent pas être intégrées à d’autres documents juridiques tels que le mandat de protection ou les directives médicales anticipées. Elles doivent faire l’objet d’un acte distinct. Par ailleurs, il est important de noter que les DAAMM sont exclusives au Québec, c’est-à-dire qu’il n’y a pas d’équivalent reconnu par la législation fédérale ou dans la législation des autres provinces canadiennes. La signature de cet acte dans une autre juridiction, par un signataire ou un professionnel de la santé situé hors du Québec, pourrait compromettre sa validité.
Conditions pour formuler une DAAMM
Pour qu’une DAAMM soit valide, trois conditions essentielles doivent être remplies :
-
Être une personne majeure et apte à consentir aux soins – le consentement substitué n’est pas possible.
-
Être une personne assurée au sens de la Loi sur l’assurance maladie.
-
Être atteint d’une maladie grave et incurable menant à l’inaptitude à consentir aux soins. Les troubles mentaux, à l’exception des troubles neurocognitifs, ne sont pas inclus.
Procédure pour formuler une DAAMM
La procédure commence par la complétion du formulaire prescrit par le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), sous la supervision d’un professionnel compétent tel qu’un médecin ou une infirmière praticienne spécialisée. Ce formulaire doit inclure les manifestations cliniques spécifiques liées à la maladie de la personne. Si le notaire constate que ces informations sont insuffisantes, il doit collaborer avec le professionnel pour obtenir une version amendée avant de finaliser l’acte.
Contenu d’une demande anticipée d’aide médicale à mourir
Une DAAMM valide doit inclure les éléments suivants :
-
Une déclaration de la personne concernée confirmant sa compréhension du contenu du formulaire MSSS et attestant que les autres signataires étaient présents au moment de l’apposition des signatures, conformément aux exigences légales.
-
Le consentement explicite de la personne concernée pour permettre la communication entre les professionnels et autres parties impliquées dans la demande.
- L’autorisation de publier l’acte dans le registre de la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ), en reconnaissant que des données sensibles y seront accessibles.
-
Des informations spécifiques ajoutées par le notaire, selon son jugement professionnel, pour guider les professionnels impliqués et respecter les volontés de la personne concernée.
Conditions pour l’administration de l’aide médicale à mourir
Lorsque vient le moment d’administrer l’aide médicale à mourir, cinq conditions doivent être réunies :
-
La personne doit être inapte à consentir aux soins en raison de sa maladie grave et incurable.
-
Les trois conditions initiales pour formuler une DAAMM doivent toujours être respectées.
-
Les manifestations cliniques liées à la maladie doivent être observables et conformes à celles spécifiées dans la demande.
-
La situation médicale doit démontrer un déclin avancé et irréversible des capacités.
-
Le professionnel compétent doit constater des souffrances persistantes, insupportables et inaltérables.
Désignation d’un tiers de confiance
Il est possible de désigner un tiers de confiance dans les DAAMM. Ce tiers, ou son remplaçant en cas d’incapacité, sera responsable de notifier un professionnel de la santé lorsque les conditions décrites dans la demande seront réunies. Si aucun tiers n’est désigné, un proche ou un membre de l’équipe de soins peut assumer ce rôle.
Modification ou retrait d’une DAAMM
La DAAMM peut être modifiée ou retirée à tout moment, tant que la personne concernée est apte à poser des actes juridiques. Le notaire joue un rôle central dans ce processus, veillant à ce que toute modification ou retrait soit dûment enregistré dans le registre de la RAMQ.
Formes de l’acte
Les DAAMM peuvent être formulées suivant deux formes :
-
Devant notaire : la personne concernée et les tiers de confiance (le cas échéant) signent l’acte en présence du notaire, qui peut également faire intervenir les professionnels de la santé si nécessaire.
-
Devant témoins : la personne concernée, les tiers de confiance (le cas échéant), les témoins et le professionnel compétent signent le formulaire en présence les uns des autres.
L’acte notarié apporte une plus-value significative en garantissant un haut niveau de sécurité juridique : le notaire assure un devoir de conseil, vérifie le respect des conditions légales et réglementaires, confirme l’identité et la capacité des parties impliquées, identifie les éventuels conflits d’intérêts, et offre un accompagnement complet, tant avant qu’après la signature de l’acte. Ces vérifications permettent, entre autres, d’assurer la validité de l’acte et d’éviter quelconques complications au moment où la personne concernée sera prête à recevoir l’aide médicale à mourir.
Conclusion
Les DAAMM offrent une solution humaine et respectueuse des droits des patients, tout en nécessitant une rigueur juridique et une collaboration étroite entre les professionnels de la santé et les notaires. Elle illustre l’engagement du Québec à offrir des choix éclairés en matière de soins de fin de vie.
Le présent texte ne représente qu’un survol des questions juridiques présentées et ne constitue aucunement une opinion juridique en soi ni ne remplace une consultation avec un professionnel du droit, chaque dossier devant être analysé à la lumière des faits qui lui sont propres. N’hésitez pas à contacter notre cabinet de professionnels situé sur la Rive-Sud, à Longueuil.
_________________________
[1] L.Q. 2023, c. 15