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Droit successoral, Personne et famille

Publié par - 4 juillet 2024

Dans le cadre d’une planification successorale, un père ou une mère peut souhaiter vendre un bien à l’un de ses enfants, mais reporter le paiement du prix de vente au moment de son décès.

À l’ouverture de la succession, la dette devient exigible. Le liquidateur peut réclamer que le débiteur verse le prix de vente à la succession ou il peut opérer compensation entre ce prix de vente et toute somme qui pourra être due au débiteur, confirmé héritier, à l’occasion du partage du patrimoine de la succession.

Ce terme de paiement lié au décès d’une personne est admis en droit civil et doit être distingué du « pacte sur succession future », lequel est interdit par l’article 631 du Code civil du Québec.

C’est ce que confirme la Cour d’appel du Québec, dans son arrêt du 10 octobre 2023, rendu dans l’affaire Adam c. Adam.[1]

Dans cette affaire, dans le cadre d’une planification successorale, une mère a vendu son érablière à l’une de ses filles et l’acte de vente notarié contenait la clause suivante:

« PRIX

Cette vente est faite pour le prix de QUARANTE-CINQ MILLE SEPT CENT QUATRE-VINGTS dollars (45 780,00$), qui sera considéré comme une AVANCE reçue par l’acheteur sur sa part dans la succession éventuelle du vendeur et, en conséquence, selon la volonté des parties, un bien PROPRE de l’acheteur, DONT QUITTANCE FINALE ».

Peu après le décès de leur mère, l’une des cohéritières a demandé au Tribunal de déclarer la nullité de l’acte de vente, au motif qu’il s’agissait d’un « pacte sur succession future ».

Essentiellement, le « pacte sur succession future » est une entente suivant laquelle une personne cède ou promet de céder à une autre, ses droits dans un bien qu’elle s’attend de recevoir en héritage ou promet de payer une dette à même les biens qu’elle s’attend de recevoir en héritage.

Le pacte implique au moins trois personnes : celui ou celle dont on envisage la succession (A) et deux autres personnes, dont l’une (B) promet à l’autre (C) qu’elle acquittera sa dette envers elle, à même les biens qu’elle s’attend de recevoir en héritage de (A) ou encore lui vends ou promets de lui vendre un bien attendu en héritage de (A).

Exemple : Jeanne achète les actions de Katerine dans la société ABC et promet à Katherine de lui payer le prix d’achat après la mort de leur père, président de la société ABC, à même les biens qu’elle s’attend d’hériter de ce dernier.

Ce type d’entente n’a aucune valeur juridique, même avec le consentement de celui dont la succession est en cause et sera annulée par le Tribunal.

Pour rendre la stipulation valide, il faudrait que Katerine et Jeanne se limitent à convenir que Katerine ne paiera le prix d’achat des actions à Jeanne qu’au moment du décès de leur père.

En ce sens, ne constitue pas un pacte sur succession, l’entente conclue entre Thomas et son fils Jérémy, dans laquelle Thomas promet de vendre à son fils, ses actions dans une société dont il est le seul actionnaire, au moment de son décès.

La succession de Thomas sera tenue de donner suite à cette promesse de vente. Jérémy paiera alors à la succession, le prix de vente déterminé ou déterminable selon les termes contenus dans la promesse de vente, possiblement même à partir de ce qu’il recevra de la succession. En vertu de la liberté de tester, rien ne garantit que Jérémy soit désigné comme héritier dans le dernier testament valide de son père Thomas.

Ce type de clause apparait régulièrement dans les conventions entre actionnaires, dans la section « Retrait des affaires ». Elle est stipulée au bénéfice de la société, qui rachète alors ses actions ou au bénéfice d’un ou plusieurs des actionnaires restants. Même dans ce cadre, la stipulation peut faire partie d’une planification successorale.

Dans l’affaire Adam, la Cour d’appel confirme « (qu’)une stipulation donnant naissance à une obligation assujettie à un terme correspondant au décès de l’une des parties ne constitue pas un pacte sur succession future »[2]

Au sujet de la clause litigieuse dans cette affaire, reproduite plus haut, la Cour d’appel se permet d’ajouter :

«la présente affaire démontre que les conseillers juridiques devraient porter un soin particulier aux dispositions contractuelles visant à traduire l’intention de leurs clients de transférer des biens de manière anticipée à un héritier éventuel ».[3]

Le présent texte ne représente qu’un survol des questions juridiques présentées et ne constitue aucunement une opinion juridique en soi ni ne remplace une consultation avec un professionnel du droit, chaque dossier devant être analysé à la lumière des faits qui lui sont propres. N’hésitez pas à contacter notre cabinet de professionnels situé sur la Rive-Sud, à Longueuil.

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[1]2023 QCCA 1285 (demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée le 2 mai 2024);

[2] Idem, par. 20;

[3] Id., para. 19.

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