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Personne et famille

Publié par - 1 juin 2018

Les mères porteuses, un vide juridique

« Industrie de la procréation », « marchandisation du corps de la femme », « gestation pour autrui » tous des termes employés pour désigner un sujet chaud de l’actualité, celui des mères porteuses.

Le recours à une mère porteuse n’est pas illégal. Toutefois, au Canada, rétribuer une mère porteuse pour ses services est présentement une infraction passible d’une amende maximale de 500 000$ et d’un emprisonnement maximal de 10 ans, selon la Loi sur la procréation assistée.

Ayant fait couler beaucoup d’encre depuis les derniers mois, c’est finalement mardi dernier (2018-05-30) que le député Anthony Housefather a déposé le projet de loi C-404 proposant de modifier la Loi sur la procréation assistée de manière, entre autres, à décriminaliser la rémunération des mères porteuses.

Quel serait l’impact de l’adoption d’un tel projet de loi pour la province de Québec?

État du droit au Québec

Au Québec, le Code civil est clair sur le sujet, l’article 541 CcQ prévoit qu’un contrat conclu avec une mère porteuse est « nul de nullité absolue ». Le recours à une mère porteuse n’est pas proscrit par la loi, cependant cette pratique n’a aucun cadre juridique. Une entente passée entre un couple et une mère porteuse repose entièrement sur la confiance entre les parties. Ce vide juridique donne lieu à une grande incertitude dans la province. N’étant pas juridiquement encadrée, les tribunaux québécois ne peuvent pas rendre des ordonnances à l’encontre d’une mère porteuse qui décide de garder l’enfant ou encore contre le couple qui décide ne plus vouloir l’enfant né ou à naître. De plus, les Tribunaux ont hésité à donner suite à un consentement spécial à l’adoption devant donner effet au projet parental. En effet, aux yeux de la loi québécoise, la mère porteuse est la vraie mère de l’enfant et elle ne pourra être remplacée dans ce rôle que si l’enfant est ensuite adopté. Dans une telle situation, l’adoption n’est pas automatique. L’intervention du tribunal est nécessaire.

Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, distinguant la question contractuelle de la question de filiation, la Cour d’appel du Québec a reconnu la validité d’un consentement à l’adoption signé par la mère biologique (mère porteuse). Cette même Cour a également reconnu valide un consentement à l’adoption signé seulement par le père biologique en faveur de son conjoint, dans une situation ou la mère porteuse ne voulait pas établir sa filiation avec l’enfant.

Les tribunaux ont donc dû jongler avec un autre cadre juridique, celui de l’adoption, qui n’est pas adapté pour les mères porteuses, comme le mentionnait Me Alain Roy lors de la remise du rapport Pour un droit de la famille adapté aux nouvelles réalités conjugales et familiales en 2015.

Inchangé depuis les années 80, une réforme du Code civil et du droit de la famille est attendue. Toutefois, aucun changement n’est à prévoir de sitôt.

La mesure législative C-404

L’acceptation d’un projet de loi comme celui du député Housefather, n’aura pas nécessairement un impact direct dans notre province.

Au Québec, en l’absence de réforme, un contrat avec une mère porteuse restera nul. Le moment est peut-être propice à la mise en place d’un cadre juridique qui tienne compte des réalités contemporaines quant à ces questions.

Le présent texte ne représente qu’un survol de la question juridique et ne constitue aucunement une opinion juridique en soi. Chaque dossier se doit d’être analysé à la lumière des faits qui lui sont propres.

Rédigé par : Me Martin Brisson, avec la collaboration de Mme Andréane Lefebvre.

➡️ Si vous souhaitez plus d’informations concernant cet article ou si vous avez des questions, contactez notre équipe d’experts Fodago à Longueuil.  

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