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Litige et médiation

Publié par - 16 août 2022

Quels sont les recours du syndicat de copropriété à la suite d’un sinistre?

Résumé : Cet article présente les différentes possibilités qui s’offrent à un syndicat de copropriété à la suite d’un sinistre.

Par Me Claire Ross en collaboration avec Myriem Elmahboubi, étudiante en droit.

En 2018, le Code civil du Québec[1] a été modifié pour inclure les dispositions suivantes :

Article 1074.1 Lorsque survient un sinistre mettant en jeu la garantie prévue par un contrat d’assurance de biens souscrit par le syndicat et que celui-ci décide de ne pas se prévaloir de cette assurance, il doit avec diligence voir à la réparation des dommages causés aux biens assurés.

Le syndicat qui ne se prévaut pas d’une assurance ne peut poursuivre les personnes suivantes pour les dommages pour lesquels, autrement, il aurait été indemnisé par cette assurance:

1° un copropriétaire;

2° une personne qui fait partie de la maison d’un copropriétaire;

3° une personne à l’égard de laquelle le syndicat est tenu de souscrire une assurance en couvrant la responsabilité.

Article 1074.2 Les sommes engagées par le syndicat pour le paiement des franchises et la réparation du préjudice occasionné aux biens dans lesquels celui-ci a un intérêt assurable ne peuvent être recouvrées des copropriétaires autrement que par leur contribution aux charges communes, sous réserve des dommages-intérêts qu’il peut obtenir du copropriétaire tenu de réparer le préjudice causé par sa faute et, dans les cas prévus au présent code, le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde.

Est réputée non écrite toute stipulation qui déroge aux dispositions du premier alinéa.

Comme ces dispositions sont nouvelles, les décisions judiciaires sont actuellement peu nombreuses. De plus, aucune des décisions rendues ne traite spécifiquement de la question d’un assureur du syndicat refusant la couverture des dommages.

Cependant, une revue de cette jurisprudence a un intérêt certain pour clarifier la portée de ces dispositions selon trois scénarios possibles[2].

Les principes applicables sont résumés par la Cour du Québec dans Syndicat des copropriétaires des Châteaux Laurentiens [3]:

 

[6] Selon le Code civil du Québec (C.c.Q.), le Syndicat a l’obligation d’assurer tout l’immeuble incluant les parties privatives [3]. En cas de sinistre, le Syndicat a l’obligation de procéder avec diligence aux réparations des dommages causés aux biens assurés [4]. Par la suite, le Syndicat peut choisir de réclamer une indemnité à son assureur ou non.

 

[7] S’il choisit de ne pas réclamer à son assureur, le Syndicat ne peut pas déposer une demande en justice contre un copropriétaire ou une personne qui fait partie de la maison du copropriétaire [5]. Le paiement se fera donc par l’entremise du fonds de prévoyance ou d’une contribution spéciale [6].

 

[8] S’il choisit de réclamer une indemnité à son assureur, le principe est que le Syndicat peut seulement recouvrer la franchise ou les coûts de réparation des biens par l’entremise de la contribution de tous les copropriétaires aux charges communes [7]. Par ailleurs, l’article 1074.2 C.c.Q prévoit une exception et le Syndicat peut ainsi engager une demande en justice contre le copropriétaire qui commet une faute lui causant un préjudice, telle qu’un sinistre résultant d’un dégât d’eau lié à un évier bouché ou une toilette défectueuse par exemple[8] (nous soulignons). Si la déclaration de copropriété comporte une clause qui déroge à ce principe et à cette exception, la clause est réputée non écrite et déclarée nulle [9].

Le syndicat des copropriétaires peut donc se retrouver dans l’un des trois scénarios suivants :

Le sinistre est couvert par la police d’assurance du syndicat des copropriétaires et l’assureur prend en charge la réclamation :

Lorsque l’assureur du syndicat accepte d’indemniser celui-ci pour la totalité de la réclamation, le syndicat n’a à assumer que sa franchise. À cette fin, il peut choisir soit de répartir le montant de la franchise entre tous les copropriétaires, soit de payer la franchise à même son fonds d’auto assurance. Il peut également combiner ces deux options.

Quant à la répartition de la franchise, la décision Boulanger c. Syndicat des copropriétaires Les Condos des Cèdres rappelle :

[13] L’article 1074.2 C.c.Q., qui est entré en vigueur le 13 décembre 2018, précise que la franchise d’assurance du syndicat est une charge commune. Cette disposition vise à clarifier et corriger les pratiques mises en place par certains syndicats, parfois conseillés par leurs assureurs, lesquels répartissent la franchise entre les seuls copropriétaires touchés par le sinistre.[4]

À moins d’avoir identifié la personne responsable du sinistre, le syndicat ne dispose d’aucun autre recours :

[18] L’article 1074.2 C.c.Q. doit donc être interprété comme interdisant « une autre répartition des charges communes résultant d’une franchise d’assurance que celle qui est proportionnelle à la valeur relative des fractions, sous réserve du droit du syndicat de récupérer cette franchise du copropriétaire qui assume une responsabilité contractuelle ou extracontractuelle » [10].[5]

Ainsi, l’article 1074.2 prévoit que si une personne responsable a été identifiée, le syndicat peut alors lui réclamer le montant de la franchise. Cela est possible que le fautif soit un tiers (par exemple, un entrepreneur) ou un copropriétaire.  D’ailleurs, des présomptions de faute sont spécifiquement prévues contre le copropriétaire, notamment pour le préjudice causé par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’il a sous sa garde[6].

Bien entendu, la présomption de faute édictée par le législateur, peut être repoussée par le copropriétaire poursuivi s’il réussit à prouver qu’il n’a commis aucune faute[7]. Dans cette éventualité, le recours du syndicat sera rejeté et le paiement de la franchise restera à sa charge[8].

Le sinistre est couvert par la police d’assurance du syndicat mais celui-ci, pour diverses raisons, choisit de ne pas présenter de réclamation :

Il est possible que le syndicat décide de ne pas réclamer les dommages à son assureur. Tel pourrait être le cas, par exemple, si le syndicat cherche à éviter une augmentation de sa prime d’assurance.

Dans ces cas-là, l’article 1074.1 prévoit que le syndicat agit comme s’il était lui-même assureur et doit prendre en charge la réparation. En effet, comme le rappelle l’article 1074.3 du Code, l’assurance du syndicat constitue une assurance de première ligne. Si un syndicat décide de ne pas se faire indemniser par son assureur, il ne peut aucunement se retourner contre un copropriétaire et exiger le remboursement d’une somme qui aurait été payable en vertu de son contrat d’assurance. Plutôt, il devra payer lui-même les travaux de réparation, en utilisant son fonds d’auto-assurance et/ou en répartissant le montant entre tous les copropriétaires.

Enfin, encore une fois, si aucun responsable n’a été identifié, le syndicat ne dispose d’aucun autre recours.

Toutefois, si une personne responsable est identifiée, alors le recours du syndicat dépendra de l’identité de celle-ci :

  • En vertu de l’article 1074.1 du Code civil, s’il s’agit d’un copropriétaire, le syndicat ne peut recouvrir que les sommes qui n’auraient pas été payables par l’assureur (par exemple : la franchise ou les dommages spécifiquement exclus[9] au contrat d’assurance). Pour réclamer un montant quelconque au copropriétaire fautif, le syndicat devra d’abord lui transmettre une mise en demeure.
  • Si le fautif est un tiers, alors l’article 1074.1 du Code civil ne s’applique pas et le syndicat pourra lui réclamer la totalité des dommages.

Le sinistre n’est pas couvert par la police d’assurance (en partie ou en totalité) ou le montant d’indemnité est inférieur au montant de la franchise :

Ce troisième scénario n’est pas explicitement prévu au Code civil, mais nous sommes d’avis qu’il peut se déduire des articles 1074.1 et 1074.2.

Dans un tel cas, il revient au syndicat des copropriétaires d’assumer les travaux de réparations. Il peut recourir à son fonds d’auto-assurance ou recouvrir le montant des dommages des copropriétaires par leur contribution aux charges communes.

Si aucun responsable n’a été identifié, le syndicat des copropriétaires ne bénéficie d’aucun autre recours.

Si un responsable a été identifié, alors le syndicat des copropriétaires peut demander le remboursement des sommes déboursées.

  • S’agissant d’un copropriétaire, le syndicat des copropriétaires peut lui envoyer une mise en demeure et lui réclamer toute somme non payable par son contrat d’assurance.
  • S’agissant d’un tiers, le syndicat peut lui envoyer une mise en demeure et lui réclamer le montant des dommages non payables par l’assureur ou le montant de l’insuffisance.

À cet égard, il importe de noter qu’il ressort de la jurisprudence qu’avant de poursuivre un copropriétaire fautif, un syndicat doit d’abord faire une réclamation auprès de son assureur (règle de l’épuisement des recours). Si celui-ci refuse d’indemniser le syndicat, ce dernier peut alors se retourner contre le copropriétaire responsable des dommages. Si la compagnie d’assurance couvre les dommages, mais pas entièrement, le syndicat peut également poursuivre le copropriétaire fautif pour le reste.

Le tribunal est à cet effet dans la décision Syndicat des copropriétaires du condominium Verrières [10]:

[91] De l’avis du Tribunal, le Syndicat doit épuiser ses recours à l’endroit de l’assureur du bâtiment avant de s’adresser aux copropriétaires. Le Syndicat ne peut choisir de ne pas soumettre de réclamation à son assureur au détriment des copropriétaires qui sont à la base les payeurs de la prime de la police d’assurance bâtiment.

[92] L’assurance souscrite par le Syndicat doit être considérée comme une assurance de première ligne, l’assurance des copropriétaires devant être sollicitée que dans les cas d’absence ou d’insuffisance de couverture.

[95] Le défaut par le Syndicat d’épuiser son recours contre l’assureur Aviva constitue en soi une fin de non-recevoir.

Le principe de l’épuisement des recours a également été confirmé dans la décision Vignoble (Condo) c. Gaudreau[11].

En conclusion, en cas de sinistre dans une copropriété, plusieurs possibilités s’offrent au syndicat des copropriétaires afin d’être indemnisé des dommages causés par le sinistre. Il appartient donc au syndicat d’évaluer des différentes voies de recours en fonction des circonstances particulières de chaque cas d’espèce afin de déterminer les meilleures chances de remboursement.

 

➡️ Si vous souhaitez plus d’informations concernant cet article ou si vous avez des questions, contactez notre équipe d’experts Fodago à Longueuil.  

 

[1] Code civil du Québec, L.R.Q. 1991, C. 64

[2]  « Application des articles 1074.1 et 1074.2 – Dommages aux biens assurés par le syndicat », dans Bureau d’assurance du Canada, 2021, en ligne : https://copropriete.bac-quebec.qc.ca/media/1069/application-des-articles-1074-1-et-1074-2_dommages-aux-biens-assures-par-le-syndicat_bac.pdf (consulté le 4 juillet 2022)

[3] Syndicat des copropriétaires des Châteaux Laurentiens c. Rogojina, 2022 QCCQ 587, paragraphes 6 à 8

[4] Boulanger c. Syndicat des copropriétaires Les Condos des Cèdres, 2022 QCCQ 2491, paragraphe 13

[5] Id., paragraphe 18

[6] Id., paragraphe 20, voir également Syndicat des copropriétaires du 1580 Robert Charbonneau c. Nomair, 2022 QCCQ 166

[7] Id., paragraphe 21

[8] Id., paragraphe 29

[9] En l’absence d’une disposition contraire, les refoulements d’égouts et les infiltrations d’eaux par la toiture sont généralement exclus des contrats d’assurance

[10] Syndicat des copropriétaires du condominium Verrières VI c. Maddalon, 2018 QCCS 2312, paragraphes 91, 92 et 95.

[11] Vignoble (Condo) c. Gaudreau, 2019 QCCQ 7007, voir plus spécifiquement les paragraphes 39 et 40.

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