Droit immobilier
Publié par Emile Lemieux - 14 novembre 2024
Article écrit en collaboration avec Mélanie Vincelette, technicienne juridique
Les conflits de voisinages occupent de plus en plus de temps devant les tribunaux et les juges dans leurs récentes décisions proposent différentes solutions créatives afin de faire en sorte que chaque litige prenne moins de temps en Cour.
Dans une décision récente[1], la Cour supérieure du Québec a eu l’occasion de trancher un conflit de voisinage hautement conflictuel qui durait depuis plusieurs années. Le litige en question a débuté lors de l’installation d’une clôture par les défendeurs sur le terrain des demandeurs en pleine connaissance de cause. Par la suite, les défendeurs ont installé des projecteurs lumineux et des caméras directement orientées sur le terrain des demandeurs. De plus, les défendeurs ont adopté un comportement jugé abusif, incluant une surveillance incessante et plusieurs atteintes à la vie privée des demandeurs.
Ce litige repose principalement sur l’article 976 du Code civil du Québec, qui limite le droit de propriété en exigeant que les propriétaires évitent de causer des inconvénients anormaux ou excessifs à leurs voisins.
Selon la Cour, les projecteurs, qui éclairaient directement l’intérieur de la maison voisine, l’installation de caméras de surveillance, ainsi que la clôture érigée en dépit des limites de propriété, dépassaient ces normes raisonnables de voisinage et constituaient des inconvénients anormaux pour les voisins.
La Cour analyse également les manquements des défendeurs à la lumière des obligations prévues par l’article 1457 du Code civil du Québec, qui encadre la responsabilité civile en cas de comportement fautif et nuisible, et conclut que les actions des défendeurs constituaient des gestes de représailles et de provocation, non justifiés par l’exercice de leur droit de propriété.
Les comportements soigneusement documentés allaient de regards persistants et intimidants à l’installation de caméras de surveillance, qui ont contribué à instaurer un climat de suspicion et de tension, alimentant une dynamique conflictuelle entre les voisins.
La Cour a reconnu que les demandeurs avaient été victimes de troubles de jouissance significatifs et leur a accordé une indemnité de 4 000,00 $ pour compenser la détérioration de leur qualité de vie. Les projecteurs et caméras installées de manière hostile ont forcé les voisins à adapter leur espace de vie pour retrouver une certaine intimité, ce qui a motivé l’attribution de dommages pécuniaires pour couvrir, entre autres, l’achat de rideaux.
La Cour a également imposé des dommages punitifs de 500,00 $ par défendeur, visant à sanctionner une atteinte intentionnelle au droit à la vie privée et au droit à la jouissance paisible de leur bien immobilier.
Enfin, 5 000,00 $ ont été alloués pour couvrir une partie des honoraires extrajudiciaires, la Cour ayant jugé que le comportement procédural des défendeurs avait contribué à envenimer inutilement le conflit, rendant la gestion du dossier plus complexe et onéreuse.
La Cour souligne que les limites physiques de la propriété ne peuvent justifier des actes intrusifs ni des comportements de surveillance excessive, même en invoquant des raisons de sécurité.
L’affaire démontre qu’un comportement abusif entre voisins peut être lourd de conséquences juridiques. En somme, cette décision réitère que la vie en communauté implique des droits, mais aussi des devoirs, et que les tribunaux sauront intervenir fermement pour protéger les citoyens contre les abus qui menacent leur tranquillité et leur qualité de vie.
Ce jugement constitue un rappel important du cadre de tolérance et de respect mutuel nécessaire pour préserver une cohabitation harmonieuse en milieu résidentiel.
Le présent texte ne représente qu’un survol des questions juridiques présentées et ne constitue aucunement une opinion juridique en soi ni ne remplace une consultation avec un professionnel du droit, chaque dossier devant être analysé à la lumière des faits qui lui sont propres. N’hésitez pas à contacter notre cabinet de professionnels situé sur la Rive-Sud, à Longueuil.
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[1] Houle c. Gonzalez Herrera, 2024 QCCS 2654, https://canlii.ca/t/k5sxx (Cette décision a été précédée par une ordonnance rendue le 15 février 2024, voir : Houle c. Gonzalez Herrera, 2024 QCCS 456, https://canlii.ca/t/k2v24