Droit immobilier
Publié par Martin Fortier - 8 avril 2024
Article écrit par Me Martin Fortier, en collaboration avec Me Marika Di Domenico
Dans la décision Abalain c. Gohier-Couture, datant de 2019, la Cour du Québec[i] réitère les principes entourant l’obligation de divulgation d’un suicide par le vendeur.
Dans ce jugement, la vendeuse a indiqué dans la déclaration du vendeur la survenance d’un suicide dans un cabanon situé sur le terrain, et ce, avant qu’elle ne devienne propriétaire de la résidence.
Toutefois, suite à l’achat, l’acheteuse a appris par son voisin que la survenance du suicide a plutôt eu lieu dans la chambre principale, information confirmée par une recherche auprès du coroner.
La vendeuse a-t-elle fidèlement rapporté ce qu’elle savait ou a-t-elle faussement indiqué le lieu du suicide ?
Le Tribunal rappelle qu’en cas de mensonges, réticences ou déclarations qui ne correspondent pas à la réalité, le consentement de celui qui achète peut être vicié.
Considérant la présomption de la bonne foi et la contradiction des versions, l’acheteuse a le fardeau de prouver que la vendeuse a faussement déclaré le lieu de commission du suicide. Le voisin de l’acheteuse, ancien voisin de la vendeuse, a témoigné avoir discuté avec cette dernière du lieu de commission du suicide.
Le Tribunal conclut que la vendeuse savait que le suicide avait eu lieu dans la chambre principale.
Cette différence a-t-elle eu des conséquences sur le consentement donné par l’acheteuse ?
Oui, la vendeuse a manqué à son obligation d’agir de bonne foi et a trompé l’acheteuse en faisant preuve de dol, source de nullité ou de réduction de l’obligation conformément à l’article 1401 du Code civil du Québec.
Lorsqu’un vendeur fait affaire avec un courtier et remplit la déclaration du vendeur, il doit répondre sincèrement à la question concernant la survenance d’un suicide et sa déclaration doit correspondre à la réalité.
Le Tribunal a condamné la vendeuse à payer la somme de 10 000,00 $ à l’acheteuse, imputant une dépréciation de 8 % de la résidence attribuable à la commission du suicide dans la chambre principale. Dans la détermination de la dépréciation, le Tribunal a pris en compte que l’acheteuse savait qu’elle achetait une propriété sur laquelle un suicide avait eu lieu.
En 2021, ce jugement a été cité par la Cour du Québec dans un cas de défaut d’information concernant un suicide ayant eu lieu dans un immeuble[ii]. Le vendeur, M. Clouâtre, détenait cette information pertinente qu’il n’a pas cru bon mentionner aux acheteurs, en plus d’avoir indiqué dans sa déclaration de vendeur ne pas être au courant de la survenance d’un suicide dans l’immeuble. Les prétentions de M. Clouâtre se résumaient à l’absence de question des acheteurs au sujet de ce type d’évènement.
Tout au long de son analyse, le Tribunal a fait siens les mots du juge dans la décision Abalain c. Gohier-Couture afin d’analyser le dossier à l’aide des principes de droit applicables en la matière. En résumé, le Tribunal a insisté sur le fait que même si une partie n’a pas l’obligation de dévoiler l’existence d’un suicide antérieur, dès que la question est posée, la réponse doit être sincère et correspondre à la réalité, autrement il y a défaut.
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[i] Abalain c. Gohier-Couture, 2019 QCCQ 4988 (CanLII), https://canlii.ca/t/j1zkh
[ii] Sauvé c. Clouâtre,2021 QCCQ 13336 (CanLII), https://canlii.ca/t/jlgbf