Droit immobilier
Publié par Gabrielle Guérin - 9 juillet 2024
Par Gabrielle Guérin, avocate, avec la collaboration d’Yvette Kasongo, technicienne juridique
Comme indiqué précédemment, plusieurs lois ont subi des modifications en raison de la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation[1]. Nous nous attarderons dans cet article à certaines modifications majeures apportées à la Loi sur le Tribunal administratif du logement au sujet de la procédure devant le Tribunal administratif du logement (TAL).
Selon la ministre responsable de l’habitation, Mme France-Élaine Duranceau, les changements introduits à cette Loi ont pour but d’« optimiser l’intervention du Tribunal administratif du logement et offrir une meilleure accessibilité à la justice ».
D’abord, par cette loi, la compétence du TAL a été élargie. Le législateur a ainsi prévu que le TAL peut dorénavant entendre, en matière de baux résidentiels[2] :
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Des causes dont le montant en litige ne dépasse pas 100 000 $ ;
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Plusieurs demandeurs qui se joignent dans une même demande et sont représentés par une seule personne, si les revendications desdits demandeurs prises individuellement ne dépassent pas 100 000 $ ;
Afin d’améliorer davantage le pouvoir d’intervention du TAL, il est explicitement permis à celui-ci de rendre des ordonnances d’exécution en nature dont la valeur dépasse le montant de 100 000 $, dans les cas suivants[3] :
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L’inexécution d’une obligation causant un préjudice sérieux (article 1863 C.c.Q.) ;
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Si le locateur n’exécute pas les réparations ou améliorations qu’il est tenu de faire (article 1867 C.c.Q.) ;
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Si le logement est impropre à l’habitation (article 1917 C.c.Q) et :
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Pour obliger le locateur à exécuter ses obligations quant à l’état du logement pour éviter qu’il devienne impropre à l’habitation (article 1918 C.c.Q.).
Cet amendement majeur vient évacuer la nécessité de quantifier la valeur des ordonnances recherchées et évite des procédures préliminaires de nature à retarder certains dossiers.
Une autre modification importante apportée par la Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation concerne la représentation devant le TAL :
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Avant l’adoption de cette Loi, une personne physique pouvait se faire représenter par un avocat ou son conjoint ou une autre personne partie à une demande conjointe[4]. En ce qui concerne les personnes morales, celles-ci pouvaient uniquement être représentées par un avocat, son administrateur, son dirigeant, ou un employé à son seul service.
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Dorénavant, les parties peuvent se faire représenter par avocat toujours, mais également par toute personne spécifiquement mandatée à cette fin à la condition que ce mandataire fournisse au Tribunal un mandat écrit, signé par la personne qu’il représente.[5]
Les seules restrictions pour le mandataire sont qu’il ne doit pas être : « un professionnel radié, déclaré inhabile à exercer sa profession ou dont le droit d’exercer des activités professionnelles a été limité ou suspendu en application du Code des professions (chapitre C-26) ou d’une autre loi professionnelle. »
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Concernant les locateurs, personnes morales ou personnes physiques, cela signifie donc que même un gestionnaire immobilier peut les représenter, à condition, de fournir un mandat écrit.
Par cette Loi, le législateur a également amendé l’article 94 de la Loi sur le TAL, notamment afin de mettre fin au débat concernant le délai d’appel des décisions du TAL devant la Cour du Québec :
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La rédaction précédente de cet article était à l’effet que le délai d’appel était de 30 jours à compter de la date du jugement (et non de la prise de connaissance du jugement), ce qui différait du délai pour en appeler de décisions de tribunaux judiciaires et réduisant en pratique le temps pour déposer la demande de permission d’en appeler. Un débat jurisprudentiel existait donc sur la computation du délai d’appel.
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L’article 94 est maintenant uniformisé et le délai pour porter en appel une décision du TAL est fixé à 30 jours à compter de la date de la connaissance du jugement.
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Une nouveauté à l’alinéa 2 de l’article 94 de la Loi sur le TAL a également été introduite afin d’éviter des demandes en permission d’appel dilatoires, de sorte qu’advenant le rejet de la demande de permission d’appeler la décision originale du TAL sera exécutoire dans les 10 jours à partir de la notification dudit rejet, sauf décision contraire de la Cour.
La Loi modifiant diverses dispositions législatives en matière d’habitation autorise également le TAL à soulever d’office la prescription d’une demande lors d’une audition[6], dans l’objectif de désengorger les rôles du Tribunal.
Sont également majorées les amendes prévues par la Loi sur le TAL à ses articles 112, 112.1, 113 et 114.
Il est entendu que ces règles s’appliquent pour les demandes introduites depuis le 21 février 2024, date de la sanction du projet de loi 31.
Si vous souhaitez plus d’informations relativement à cet article, si vous avez des questions concernant l’application des nouvelles dispositions législatives, ou si vous souhaitez être représenté devant le TAL par un avocat, n’hésitez pas à nous contacter.
Le présent texte ne représente qu’un survol des questions juridiques présentées et ne constitue aucunement une opinion juridique en soi ni ne remplace une consultation avec un professionnel du droit, chaque dossier devant être analysé à la lumière des faits qui lui sont propres. N’hésitez pas à contacter notre cabinet de professionnels situé sur la Rive-Sud, à Longueuil.
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[1] https://www.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/lois_et_reglements/LoisAnnuelles/fr/2024/2024C2F.PDF
[2] Art. 28 de la Loi sur le tribunal administratif du logement
[3] Art. 28 de la Loi sur le tribunal administratif du logement
[4] Art. 72 de la Loi sur le tribunal administratif du logement
[5] Art. 72 de la Loi sur le tribunal administratif du logement
[6] Art. 63 de la Loi sur le tribunal administratif du logement