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Droit des affaires

Publié par - 19 août 2022

Connaissez-vous la saga Av-Tech inc. et les impacts pour les investisseurs immobiliers?

Auteur Me Jean-Sébastien Monette avec l’aide de Jérôme Bouvier, étudiant en droit. 

 

Résumé: Cet article traite des différents travaux effectués par les employés d’Av-Tech, société de gestion immobilière. À la suite de l’intervention de la Cour supérieure, il n’est maintenant plus nécessaire que l’employeur réalisant les travaux d’entretien et de rénovations sur immeuble en soit aussi le propriétaire pour que le paragraphe 19(2) trouve application.

Une décision récente de la Cour supérieure(1) concernant une décision du Tribunal administratif du Travail vient préciser dans quelles situations des travaux de réparations et d’entretien sur un immeuble peuvent être réalisés par des employés ne possédant pas de certifications de la Commission de la construction du Québec (« CCQ »). 

La Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans l’industrie de la construction (la « Loi R-20 ») est une loi s’appliquant aux employeurs et salariés dans le cadre de la réalisation de travaux de construction. Elle requiert notamment qu’une grande majorité des travaux de construction effectués sur un immeuble soient être réalisés par des employés possédant les cartes de compétences requises, sous peine d’amendes.  

La Loi R-20 prévoit cependant certaines exceptions à cette règle générale. L’une de ces exceptions, prévue au paragraphe 19(2) de la Loi, concerne les travaux de réparations et d’entretien réalisés sur un immeuble. Ainsi, en vertu de cette exception, la Loi ne s’appliquerait pas « aux travaux d’entretien et de réparation exécutés par des salariés permanents et par des salariés qui les remplacent temporairement, embauchés directement par un employeur autre qu’un employeur professionnel ».  

Afin que l’exception du paragraphe 19(2) s’applique et les travaux ne soient pas assujettis à la Loi R-20, ces quatre (4) conditions doivent être remplies :  

  • Les travaux en cause sont des travaux d’entretien et de réparation; 
  • Ces travaux sont exécutés par des salariés permanents de l’employeur ou par des salariés qui les remplacent temporairement; 
  • L’employeur n’est pas un employeur professionnel; 
  • Les salariés ont été embauchés directement par l’employeur; 

Si toutes les conditions ci-avant sont remplies, les travaux visés ne seront pas assujettis à la Loi R-20 et ces travaux pourront être réalisés par des employés ne possédant pas de certification de la CCQ. 

 

Les travaux en cause sont des travaux d’entretien et de réparation 

Considérant la première condition, il est nécessaire de qualifier les travaux en cause. Malheureusement, aucune définition de « travaux d’entretien » et de « travaux de réparation » ne se retrouvent dans la Loi R-20.  

Cependant, la Convention collective du Secteur résidentiel de la CCQ, stipule que des travaux d’entretien font référence à « l’action de maintenir en état une machinerie ou un bâtiment dans le but de le maintenir fonctionnel ou opérationnel (préventif, pas de bris) » alors que des travaux de réparation font quant à eux référence au « rétablissement d’une machinerie ou d’un bâtiment dans son état initial (régénérer, moderniser) ».  

Seuls ces deux types de travaux pourraient permettre à l’exception de s’appliquer. 

 

Travaux exécutés par des employés permanents 

La seconde condition concerne les salariés effectuant les travaux en cause. Ceux-ci doivent être des « salariés permanents ».  

Cette fois, la Loi r-20 contient une définition de « salariés permanents » soit : « tout salarié qui fait habituellement des travaux d’entretien de bâtiments ou d’ouvrages de génie civil et tout salarié qui, depuis au moins 6 mois, travaille à la production dans un établissement ». 

 

Employeur non professionnel 

La troisième condition requiert que l’employeur ne soit pas un « employeur professionnel ».
 

Au sens de la Loi R-20, un employeur professionnel est un « un employeur dont l’activité principale est d’effectuer des travaux de construction et qui emploie habituellement des salariés pour un genre de travail qui fait l’objet d’une convention collective ».

Suivant cette définition, un propriétaire d’immeubles faisant effectuer des travaux de réparations sur son immeuble par un de ses salariés ne serait pas considéré comme un employeur professionnel puisque son activité principale n’est pas l’exécution de travaux de construction. 

 

Salariés embauchés directement par l’employeur 

La quatrième condition d’application de l’exception du paragraphe 19(2) est que les salariés aient été embauchés « directement » par l’employeur.  

Depuis la fin des années ‘70, la jurisprudence interprétait cette condition comme obligeant que l’employeur soit aussi le propriétaire de l’immeuble sur lequel les travaux d’entretien et de rénovation sont réalisés.  

Cette interprétation de cette condition fut remise en question dans une décision récente du Tribunal administratif du travail2 (le « TAT »).  

Dans cette affaire, Av-Tech, entreprise spécialisée dans la maintenance de bâtiments institutionnels, commerciaux et industriels, prétendait qu’elle n’était pas assujettie à la Loi R-20 par application de l’exception prévue à l’article 19(2) de la Loi malgré qu’elle ne soit pas propriétaire des immeubles sur lesquels ses employés effectuaient des travaux d’entretien réparation.  

La CCQ était d’opinion contraire, prétendant notamment que la dernière condition n’était pas respectée puisqu’Av-Tech n’était pas propriétaire des immeubles sur lesquels ses employés réalisaient les travaux d’entretien réparation.  

 

La décision 

Le TAT conclut rapidement que les trois premières conditions pour que l’exception du paragraphe 19(2) s’applique sont réunies. Les travaux effectués par les employés d’Av-Tech sont bien des travaux d’entretien et de réparation. De plus, les employés ayant réalisé les travaux sont des salariés permanents d’Av-Tech, et cette dernière, puisqu’elle ne réalise pas habituellement des travaux de construction, n’est pas un employeur professionnel.  

Le tribunal s’attarde ensuite à la quatrième condition au regard de la propriété de l’immeuble.  

En faisant une révision des décisions concernant cette condition depuis les années ‘70, le tribunal conclut que ces décisions ont, dans leur interprétation de cette condition du paragraphe 19(2) ajouté sans raison une condition qui ne se retrouve pas dans la Loi, soit celle d’être le propriétaire de l’immeuble sur lequel les travaux sont effectués.  

Selon le tribunal, l’emploi du terme « directement » par le législateur au paragraphe 19(2) ne veut pas dire que l’employeur doit être aussi propriétaire de l’immeuble sur lequel les travaux sont effectués, mais plutôt que l’employeur ne peut faire exécuter ce type de travaux par des sous-traitants s’il veut bénéficier de l’application du paragraphe 19(2).  

Ainsi, puisque Av-Tech n’a pas fait effectuer les travaux par des sous-traitants, le tribunal confirme que quatrième condition est remplie et que ces travaux n’étaient pas assujettis à la Loi R-20.  

 

Le contrôle judicaire 

La CCQ conteste cette décision au moyen d’un pourvoir en contrôle judiciaire devant la Cour supérieure.  

Selon la CCQ (et quelques autres intervenants), la décision de la juge du TAT était déraisonnable car cette dernière se serait écartée sans justification de la jurisprudence concernant la quatrième condition pour que s’applique l’exception du paragraphe 19(2) et cette décision devrait donc être renversée.  

La Cour supérieure a rejeté la demande en contrôle judiciaire de la CCQ. Selon la Cour supérieure, rien ne justifierait de renverser la décision du TAT puisque la juge a bien justifié ses conclusions et a pris en compte tous les éléments nécessaires lorsqu’elle a rendu sa décision. 

L’évolution de la jurisprudence 

Les conclusions du TAT n’étant pas renversées, l’interprétation donnée à la quatrième condition du paragraphe 19(2) de la Loi R-20 pourra donner lieu à un nouveau courant jurisprudentiel où il n’est maintenant plus nécessaire que l’employeur réalisant les travaux d’entretien et de rénovations sur immeuble en soit aussi le propriétaire pour que le paragraphe 19(2) trouve application. 

Cette décision aura définitivement un impact notable au niveau des propriétaires d’immeubles locatifs, mais surtout des gestionnaires immobiliers.  

 

N’hésitez pas à communiquer avec les membres de notre équipe afin de vous faire conseiller adéquatement en fonction de votre situation. Chaque dossier est un cas unique et il est important de consulter un professionnel afin de connaitre vos droits et obligations.  

Le présent texte ne représente qu’un survol de la question juridique et ne constitue aucunement une opinion juridique en soi.  

 

➡️ Si vous souhaitez plus d’informations concernant cet article ou si vous avez des questions, contactez notre équipe d’experts-conseils Fodago à Longueuil.  

 

[1] Commission de la construction du Québec c. Tribunal administratif du travail, 2021 QCCS 3480

https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2021/2021qccs3480/2021qccs3480.html?searchUrlHash=AAAAAAAAAAEAFzIwMjAgUUNUQVQgOTQzIChDYW5MSUkpAAAAAQANLzIwMjBxY3RhdDk0MwE

[2] Commission de la construction du Québec et Av-Tech inc., 2020 QCTAT 943

https://www.canlii.org/fr/qc/qctat/doc/2020/2020qctat943/2020qctat943.html

 

 

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