Droit immobilier
Publié par Martin Fortier - 16 octobre 2023
La décision récente Tapp c. Iacobellis[1] est venue éclaircir le droit du courtier acheteur à sa rétribution dans le cas où un vendeur refuserait de consentir à la vente de sa propriété suite à une promesse d’achat conforme à ses demandes. Incursions dans les détails de ce jugement fort intéressant!
Dans cette affaire, Madame Tapp, la courtière des acheteurs intéressés à la propriété du vendeur Iacobellis, réclame de ce dernier la somme de 12 624,45 $ à titre de rétribution pour une vente à laquelle il a refusé de consentir. La courtière prétend que le vendeur avait l’obligation de payer la rétribution, notamment en vertu de l’article 7.1.2 du contrat de courtage exclusif intervenu entre le vendeur et son courtier. Le vendeur, quant à lui, prétend qu’il avait parfaitement le droit de ne pas donner suite à la vente de sa propriété.
Le contexte est bien simple : Après une première offre d’achat refusée, les acheteurs intéressés reviennent à la charge avec une seconde promesse d’achat au montant de 549 000 $ cette fois, soit le montant demandé dans la fiche descriptive. Cette promesse est conforme aux demandes du vendeur. Le défendeur n’y répond pas par écrit mais demande verbalement 55 000$ de plus pour vendre, soit 604 000$. Les acheteurs n’achètent finalement pas la propriété du vendeur. Celui-ci retirera par la suite sa propriété du marché.
Au travers de son jugement, le tribunal revient sur certains aspects fondamentaux du courtage immobilier. En effet, le juge souligne que la fiche descriptive d’une propriété n’est pas un engagement du vendeur à vendre aux conditions qui y sont indiquées, mais plutôt une invitation à contracter auprès d’acheteurs potentiels sans que le vendeur ne soit tenu de leur vendre, et cela, même si la promesse d’achat est conforme à ses demandes. La personne qui souhaite acquérir un immeuble peut présenter une offre conforme à ce qui est demandé et le propriétaire a la liberté d’accepter ou non. Il rappelle que le vendeur n’est pas lié contractuellement par les conditions de la fiche descriptive. Cependant, si le vendeur s’est engagé à vendre advenant qu’il reçoive une offre conforme aux conditions de vente, il est lié et tenu de payer les rétributions exigibles s’il refuse.
S’ensuit une interprétation du tribunal quant aux clauses 14.1 de la promesse d’achat et 7.1.2 du contrat de courtage qui paraissent contradictoires quant à la discrétion accordée au vendeur de s’engager ou non. Il ne faut pas oublier que les clauses en question se trouvent dans deux actes juridiques distincts (promesse d’achat et contrat de courtage exclusif).
En soulignant que la rétribution de la courtière est basée sur le taux de 2 % du prix de vente prévu en faveur du courtier collaborateur au paragraphe 7.4 du contrat de courtage, le tribunal rappelle qu’un contrat entre deux parties peut impliquer un tiers non-signataire, tel que la présente situation où le vendeur et son courtier ont prévu des clauses de rétribution en faveur d’un courtier collaborateur non connu à l’époque.
Une distinction bien claire s’est définie au niveau du paragraphe 14.1 de la promesse d’achat qui régit les relations juridiques entre le vendeur et les promettants-acheteurs. Le contrat de courtage exclusif, quant à lui, vise un but différent, notamment quant à définir les rétributions payables aux courtiers participants à la transaction. Au niveau du contrat de courtage, toute discrétion en faveur du vendeur a disparu.
C’est ainsi que le tribunal conclut qu’un vendeur recevant une offre conforme à ses demandes et qui refuse de vendre, est dans l’obligation de payer les rétributions convenues au contrat de courtage.
Le présent texte ne constitue aucunement une opinion juridique en soi. Chaque dossier se doit d’être analysé à la lumière des faits qui lui sont propres. N’hésitez pas à communiquer avec notre équipe chevronnée afin de vous éclairer davantage sur vos droits et obligations en tant que courtier immobilier.
[1] Tapp c. Iacobellis, 2023 QCCQ 5016