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Publié par Fodago - 18 juin 2018
Dans le cadre des poursuites civiles que la ville de Montréal s’apprête à prendre contre les ex-accusés du projet Faubourg Contrecoeur, Michel Rocheleau, avocat au cabinet, a été appelé à donner son opinion à la journaliste Jeanne Corriveau pour Le Devoir :
Montréal réclame 4,5 millions aux acteurs allégués d’un système de collusion
La Ville de Montréal prend les grands moyens pour tenter de récupérer l’argent qu’elle estime avoir perdu en raison de la collusion dans l’octroi de contrats. Elle s’est adressée à la Cour supérieure vendredi pour réclamer 4,5 millions à la firme Consultants Aecom (anciennement Tecsult) et à six individus, parmi lesquels les anciens élus Frank Zampino et Cosmo Maciocia.
On apprenait plus tôt cette semaine que la Ville avait pu récupérer 31 millions de dollars grâce au Programme de remboursement volontaire (PRV) mis en place par le gouvernement du Québec. La mairesse Valérie Plante a alors affirmé que la Ville comptait intenter des procédures au civil contre les entreprises et individus qui n’auraient pas adhéré au PRV.
Dans la première poursuite qu’elle a déposée, Montréal reproche à la firme de génie-conseil Tecsult d’avoir participé activement à un « système frauduleux et dolosif de trucages de soumissions » dans le cadre de contrats accordés par le Service des infrastructures, du transport et de l’environnement (S.I.T.E.) de la Ville. Le recours vise 16 contrats octroyés à la firme entre 2004 et 2009 et pour lesquels la Ville réclame 20 %.
Consultants Aecom et les six personnes visées sont tenues solidairement responsables d’un montant global de 4,5 millions, certains l’étant à un niveau moindre.
Luc Benoit
Ancien président-directeur général de Tecsult. Dans sa déclaration à l’Unité permanente anticorruption (UPAC), il a reconnu sa participation, et celle de Tecsult, au stratagème de collusion. Il a aussi admis, comme Pierre Asselin, avoir payé une somme de 200 000 $ à Bernard Trépanier, ancien collecteur de fonds d’Union Montréal. Luc Benoit a dit avoir remis à M. Trépanier de l’argent ou des chèques environ trois fois par année.
4,5 millions
Pierre Asselin
Ancien vice-président Infrastructure, Transport et Génie urbain chez Tecsult. Il a admis à l’UPAC que Tecsult avait reçu « au moins entre 20 et 25 contrats identifiés d’avance où Tecsult a été gagnant, à un rythme de 4 ou 5 par année ». Il était identifié comme l’interlocuteur principal de Tecsult dans le cadre du stratagème de collusion.
4,5 millions
Frank Zampino
Ex-président du comité exécutif de la Ville de Montréal. Il a récemment été acquitté d’accusations de fraude, complot et abus de confiance dans le dossier du Faubourg Contrecœur. Il fait par ailleurs face à des accusations dans le cadre d’un système allégué de partage de contrats. La Ville soutient que, de concert avec Bernard Trépanier, il a participé à l’élaboration et à l’organisation d’un stratagème de trucage des soumissions déposées dans le cadre d’appels d’offres lancés par le S.I.T.E.
4 millions
Bernard Trépanier
Ex-collecteur de fonds d’Union Montréal, M. Trépanier a été surnommé « monsieur 3 % » en raison des ristournes qu’il aurait recueillies sur les contrats octroyés par la Ville. Montréal allègue qu’il a orchestré, de concert avec Frank Zampino, l’organisation d’un stratagème de trucage des soumissions. M. Trépanier faisait face à des accusations de fraude, mais le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a récemment annoncé qu’il abandonnait les procédures contre lui en raison du cancer dont il souffre.
4,5 millions
Cosmo Maciocia
Maire de Rivière-des-Prairies–Pointe-aux-Trembles de 2001 à 2009. La poursuite soutient que M. Maciocia était au fait du stratagème de collusion entre les firmes Groupe Séguin et Dessau, qui se déroulait avec son approbation dans son arrondissement. Il aurait aussi demandé un paiement de 60 000 $ au Groupe Séguin et le même montant de Dessau pour les élections de novembre 2005.
90 000 $
Robert Marcil
Ancien chef de division Construction et mise en œuvre des projets au S.I.T.E. de la Ville de Montréal. Selon la poursuite, il était en mesure d’influencer les décisions finales sur les pointages des comités de sélection pour les contrats. Il recevait 5 000 $ par comité de sélection de la part de Bernard Trépanier, soutient la Ville.
1,1 million
Le fardeau de la preuve
On peut s’attendre à une vague de recours de la part de villes comme Montréal contre les entreprises et les individus qui auraient trempé dans la fraude, mais qui n’auraient pas conclu d’ententes en vertu du Programme de remboursement volontaire (PRV).
L’acquittement en mai dernier de Frank Zampino et de ses cinq coaccusés au terme d’un procès criminel dans le dossier du Faubourg Contrecœur laisse-t-il présager des difficultés pour la Ville à obtenir le remboursement des dommages qu’elle estime avoir subis ?
« Le niveau de preuve entre un procès criminel et un procès civil est fort différent », explique Me Michel Rocheleau, avocat au cabinet Fortier D’Amour Goyette. Au criminel, rappelle-t-il, la poursuite doit faire la preuve « hors de tout doute raisonnable » que l’accusé est coupable.
« Mais au civil, la preuve doit rencontrer la balance des probabilités. Deux versions sont présentées et le juge doit déterminer, selon la balance des probabilités, quelle est la version la plus vraisemblable. Le juge doit être convaincu à 50 % + 1. »
Dans ce contexte, il croit que les chances de succès de la Ville de Montréal sont plus grandes, la barre étant moins haute en ce qui a trait au fardeau de la preuve.
Dans le jugement sur le Faubourg Contrecœur, le juge Yvan Poulin avait rappelé qu’un « verdict en matière criminelle doit reposer sur des faits tangibles et concrets plutôt que sur des possibilités, des probabilités ou des impressions ».
Un texte de Jeanne Corriveau
Source : Le Devoir : https://www.ledevoir.com/politique/montreal/530444/montreal-reclame-4-5-millions-d-acteurs-allegues-d-un-systeme-de-collusion