Droit de la famille, Personne et famille
Publié par Mélissa Tozzi - 2 avril 2024
Article écrit par Me Melissa Tozzi, en collaboration avec Mélodie Cuerrier, technicienne juridique
Un projet de loi (projet de loi nº56) a été déposé par le ministre de la Justice, Simon Jolin-Barrette où il nous présente un nouveau régime parental qu’il qualifie d’« union parentale ». Cette loi, si adoptée, est prévue entrer en vigueur le 30 juin 2025. Mais quelles sont les dispositions qui entourent ce nouveau régime?
En effet, plus de dix ans après Eric c. Lola[1], un projet de loi a été soumis afin de reconnaître certains droits, dits patrimoniaux, à des conjoints de fait. Bien que ce projet ne vise que les couples dont un enfant est né de leur union, et ce, après juin 2025, ou qui auront adopté un enfant pendant leur union, celui-ci adresse, tout de même, plusieurs éléments abordés devant la Cour suprême dans l’affaire précitée. En l’occurrence, le projet de loi parle d’« Union parentale », une notion novatrice qui serait éventuellement reconnue dans le Code civil du Québec advenant que ledit projet soit adopté.
L’union parentale se formerait dès que des conjoints de fait deviennent parents d’un même enfant, qu’il soit adopté ou né de leur union. Le projet de loi prévoit qu’il y aura institution d’un patrimoine d’union parentale avec un encadrement sur le partage de celui-ci, suivant une séparation. Le patrimoine serait constitué de certains biens des conjoints, tels que la résidence familiale ou les droits qui en confèrent l’usage, les meubles qui garnissent ou ornent la résidence familiale et qui servent à l’usage du ménage ainsi que les véhicules automobiles, qui servent au déplacement de la famille. Ce régime diffère du patrimoine familial gouvernant les couples mariés ou unis civilement, car il n’inclut pas de provision prévoyant le partage des REER et régimes de retraite privés et publics des conjoints.
Il est important de noter que l’entrée en vigueur de cette loi n’aura pas un effet rétroactif et ne sera applicable, de plein droit qu’aux parents faisant vie commune et dont un enfant est issu de leur union après le 30 juin 2025, et ce, que ce soit par une naissance ou une adoption. Présentement, il est possible pour tous les couples d’opter par l’entremise d’une convention de vie commune des dispositions qu’ils souhaitent mettre en place tant quant à leurs droits que leurs obligations respectives, et ce, pour la durée de leur union que dans l’éventualité de leur séparation. Cette avenue demeura obligatoire pour les couples dont les enfants sont nés avant le 30 juin 2015 ou dans le cas d’une famille reconstituée n’ayant pas d’enfant commun au couple dans l’éventualité que ceux-ci désirent mettre en place ce type de régime.
En revanche, les conjoints qui seront visés par ce projet de loi devront obligatoirement signer un contrat notarié s’ils veulent modifier la composition de ce patrimoine ou se soustraire de ces nouvelles dispositions.
Le projet de loi prévoit également des protections, qui sont déjà fréquemment appliquées par nos tribunaux, en les implantant à la réforme avancée. Ces dispositions viseraient notamment le droit de formuler une demande de prestation compensatoire au tribunal si l’un des conjoints estime qu’il s’est appauvri après avoir contribué à l’enrichissement du patrimoine de l’autre conjoint (s’apparentant à la demande pour enrichissement injustifié que l’on applique présentement dans le cas de conjoints de fait). De plus, un droit d’usage à la résidence familiale y serait légiféré, et ce, afin d’éviter qu’un enfant soit forcé de quitter son domicile rapidement. Tel qu’il appert d’un article récemment rédigé par la soussignée, un tel droit permet au tribunal d’attribuer un droit d’usage temporaire de la résidence au conjoint à qui la garde des enfants est confiée, et ce, même si ledit conjoint n’est pas propriétaire de la résidence.
Finalement, le projet de loi propose des modifications en matière de droit successoral. Les commentaires dudit projet mettent de l’avant l’intention du législateur de modifier les règles quant à la dévolution légale. Si modification il y a, un conjoint de fait, qui était en union parentale pourra hériter de son conjoint décédé, lorsque ceux-ci faisaient vie commune depuis plus d’un an au moment du décès. Par conséquent, il sera encore plus important de mettre son testament à jour si un conjoint de fait ne souhaite pas être assujetti aux mêmes règles applicables qu’aux couples mariés.
Notre équipe d’avocats en droit de la famille et de notaires est disponible pour répondre à vos questions et s’assurer que les conventions appropriées soient mises en place afin que votre couple puisse être gouverné par les règles que vous voulez. N’hésitez pas à communiquer avec nous.
_____________________________
[1] Québec (Procureur général) c. A, 2013 CSC 5.