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Litige et médiation

Publié par - 22 février 2024

Texte écrit par Me Martin Brisson, avec la collaboration de Jeannie Côté-Courville, technicienne juridique

Une confusion semble se perpétuer dans la jurisprudence entre le soulèvement du voile corporatif et l’application de la responsabilité extracontractuelle des administrateurs d’une société par actions. C’est sur cette différence que s’est penchée la Cour d’appel dans la décision Lessard c. Banque de Montréal, 2023 QCCA 597.

Dans cette décision, l’appelant porte en appel un jugement rendu par la Cour du Québec dans lequel le juge a décidé de lever le voile corporatif et de le condamner personnellement à payer à la Banque de Montréal une somme de 59 581 $.

Après avoir été victime du vol d’un véhicule louée par la société dont il est administrateur, l’appelant reçoit un chèque de la part des assurances de la société afin de couvrir en partie la balance du bail signé avec Nissan pour la location du véhicule. Le chèque des assurances a été fait aux noms de la société et de Nissan et a été remis à l’appelant. Or, l’appelant dépose le chèque directement dans le compte de la société sans qu’il ne porte l’endossement de Nissan. Dans les mois qui ont suivi, plusieurs paiements ont été faits à des dirigeants de la société, dont l’appelant, alors que cet argent n’appartenait pas à la société, mais plutôt à Nissan.

L’appelant soutient qu’il n’avait aucune intention d’utiliser l’entreprise pour commettre des gestes illégaux et que les critères afin de procéder à la levée du voile corporatif n’étaient pas satisfaits.

Sur ce point, la Cour d’appel donne raison à l’appelant. La Cour rappelle et renouvèle les réflexions et enseignements de la décision Denis Lanoue c. La brasserie Labatt Limitée dans laquelle les distinctions sont faites entre la levée du voile corporatif et la responsabilité extracontractuelle d’un administrateur. La Cour cite ce passage :

« La responsabilité personnelle d’un individu qui est actionnaire majoritaire et administrateur d’une compagnie peut être retenue dans les circonstances suivantes:

–   Il s’est porté caution d’une obligation contractuelle de la compagnie;

–   Il a lui-même commis une faute entraînant sa responsabilité extracontractuelle, par exemple en faisant de fausses représentations ou en remettant des documents falsifiés;

–   Il a activement participé à une faute extracontractuelle de la compagnie (ce qui se présume s’il est administrateur unique);

–   Il a utilisé la compagnie qu’il contrôle comme écran, comme paravent pour tenter de camoufler le fait qu’il a commis une fraude ou un abus de droit ou qu’il a contrevenu à une règle intéressant l’ordre public; en d’autres termes, l’acte apparemment légitime de la compagnie revêt, parce que c’est lui qui la contrôle et bénéficie de cet acte, un caractère frauduleux, abusif ou contraire à l’ordre public. »

La Cour d’appel réaffirme que 317 C.c.Q. n’a d’application que dans le dernier cas et que dans la présente affaire, il n’y a aucune preuve que la société a été utilisée comme écran pour masquer une fraude ou un abus de droit.

Toutefois, la faute de l’administrateur qui, par exemple, fait personnellement de fausses représentations, entraine l’application des règles de la responsabilité extracontractuelle. De même pour l’administrateur qui aura activement participé à une faute extracontractuelle de la société. (1457 C.c.Q.).

C’est donc sur cette base d’analyse, et précisant cette nuance, que la Cour d’appel s’appuyant sur la preuve retenue par le premier juge, maintient la première décision dans sa finalité. L’appelant, en faisant preuve de négligence et d’insouciance alors qu’il ne pouvait ignorer que l’argent reçu des assurances n’appartenait pas à sa société, a posé des gestes entraînant sa responsabilité extracontractuelle.

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