Droit immobilier, Litige et médiation
Publié par Martin Fortier - 26 février 2020
Être prudent et de bonne foi, c’est payant !
Dans une décision de 2019, la Cour supérieure[1] réitère les principes applicables pour déterminer si nous sommes en présence de vices cachés ou encore de vices apparents. Elle réitère également les obligations de l’acheteur et du vendeur lors de la vente d’un immeuble.
Prudence, diligence et bonne foi
Dans ce dossier, l’acheteuse est prudente et diligente, puisqu’avant de procéder à l’achat de l’immeuble, elle le visite plusieurs fois. La vendeuse est elle aussi de bonne foi, puisqu’elle dénonce à l’acheteuse potentielle qu’il y a eu des infiltrations d’eau minimes dans les murs et tient à exclure cet élément de la garantie légale. Suivant les informations données par la vendeuse, l’acheteuse retient les services d’un inspecteur en bâtiment. L’inspecteur n’émet aucune recommandation face aux murs de fondation.
Suivant l’achat de l’immeuble, l’acheteuse constate une forte odeur qui révèle la présence d’un cadavre de raton laveur dans l’un des murs de l’immeuble. Il semblerait que des fenêtres étaient cachées derrière le mur de finition, permettant ainsi à ce rongeur de se faufiler à l’intérieur de la bâtisse. Une fois le mur de finition démoli, il a été possible de constater l’état avancé de décrépitude dans lequel se trouvait le mur arrière de la fondation de l’immeuble.
Qualification du vice
Pour qualifier le vice de caché, il faut examiner le comportement de l’acheteuse. En l’espèce, le fait qu’elle ait fait appel aux services d’un expert démontre qu’elle a été prudente ; cette dernière ne possédant pas de connaissance particulière dans le domaine de l’immobilier. Le défaut de l’inspecteur de déceler le vice n’est toutefois pas pertinent.
En ce qui concerne la gravité du vice, il faut regarder si celui-ci est suffisamment grave qu’il rend le bien impropre à l’usage destiné ou encore qu’il diminue de façon tellement significative son utilité que l’acheteuse ne l’aurait tout simplement pas acheté ou l’aurait acheté à un prix moindre. En l’espèce, la Cour a conclu que le vice affectant le mur de fondation était grave.
La Cour devait ensuite se pencher sur la question à savoir si les vices dont le mur était affecté tombaient sous l’effet de la clause d’exclusion à la garantie légale prévue entre l’acheteuse et la vendeuse ; laquelle ne concernait qu’une infiltration d’eau récurrente. En l’espèce, puisque la dégradation du mur découlait de plusieurs éléments, dont l’infiltration d’eau, le vice en question n’était pas exclu de la garantie légale par la clause d’exclusion contractuelle. La dégradation n’était pas non plus attribuable à un usage normal de l’immeuble, et ce malgré son âge avancé (1929), puisque le mur en question était dans un bien pire état que les autres murs de fondation de la maison construits au même moment. La garantie légale prévue par l’article 1726 du Code civil du Québec trouvait donc application.
Évaluation de la Cour
La Cour a évalué qu’il n’y aurait pas de plus-value engendrée par les travaux de réparations, mais a tout de même pris en considération l’âge avancé de l’immeuble pour appliquer un facteur de dépréciation de 67 %.
Avoir pris des précautions avant de procéder à la vente aura été payant tant du côté de l’acheteuse que de la vendeuse. En effet, l’acheteuse a pu être dédommagée pour un montant de 22 064,99 $, en raison de sa prudence, notamment en retenant les services d’un inspecteur préachat. Du côté de la vendeuse, celle-ci a pu diminuer significativement le montant auquel elle aurait pu être condamnée, puisqu’elle a divulgué les problèmes dont elle avait connaissance et qui affectaient l’immeuble au moment de la vente ; la Cour a conclu qu’il n’y avait donc pas lieu de la condamner au paiement de dommages‑intérêts.
Le présent texte ne représente qu’un survol de la question juridique et ne constitue aucunement une opinion juridique en soi. Chaque dossier se doit d’être analysé à la lumière des faits qui lui sont propres.
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[1] Grolleau c. Allard, 2019 QCCS 2693