Droit des affaires, Droit immobilier
Publié par Catherine Jodoin - 23 novembre 2022
Article de Catherine Jodoin, révisé par Me Martin Brisson
Résumé de la décision Lankry c. Larue, 2022 QCCS 3671
Dans sa décision Lankry c. Larue[[1]] du 28 septembre 2022, la Cour supérieure répond à cette question par la négative.
La crise sanitaire de la Covid-19 met-elle fin à l’obligation d’un vendeur de finaliser la vente de sa maison ?
Les faits de l’affaire
Alors que les dates de signature de l’acte de vente et de la prise de possession de la résidence sont convenues par les vendeurs et l’acheteur, l’état d’urgence sanitaire est déclaré par le gouvernement du Québec, et ce, en raison de la propagation de la Covid-19.
Dans ce contexte, les vendeurs voient avorter leur propre processus d’achat d’une nouvelle résidence. Au cours des semaines qui suivent, ils indiquent aux acheteurs n’avoir d’autre choix que de repousser la signature et la prise de possession, puisqu’ils ne peuvent pas, de leur côté, visiter ou faire inspecter de résidences en raison des restrictions imposées par le gouvernement. Finalement, les vendeurs déclarent qu’à cause de la pandémie et du refus des acheteurs de repousser la date de la vente de leur maison, ils n’ont d’autre choix que de modifier leurs plans et ne désirent plus vendre.
Quels sont les explications des vendeurs ?
Selon les vendeurs, la crise sanitaire de la Covid-19 constitue une force majeure. Du fait de celle-ci, leur obligation de vendre leur maison est devenue nulle et non avenue.
Dans une situation comme celle-ci, que pense la Cour ?
De l’avis de la Cour supérieure, le fait d’être empêché de visiter ainsi que d’acheter une résidence en raison de la crise sanitaire de la Covid-19 ne constitue pas une force majeure. Bien que celle-ci détienne le caractère d’imprévisibilité inhérent à la force majeure, elle ne détient pas celui d’irrésistibilité. Selon la Cour, il est vrai que l’exécution des obligations des vendeurs est devenue plus coûteuse et compliquée en raison de la pandémie. Toutefois, ces derniers n’ont pas démontré une impossibilité absolue de passer titre, car ils n’ont pas fait la preuve de démarches sérieuses visant leur relogement.
Elle ajoute que, même en concluant à l’existence d’une force majeure causée par la Covid-19, cette situation n’aurait pas eu pour effet d’entièrement éteindre les obligations des vendeurs et ne les aurait pas complètement exonérés non plus. La Cour soutient que l’impossibilité des vendeurs de se reloger n’aurait eu pour conséquence que de suspendre leurs obligations. La Cour conclut que la crise sanitaire, raison du retard des vendeurs de passer titre et donner possession de la résidence, ne justifiait pas la résolution de l’offre d’achat. Ce retard dans les délais ne constituait pas une inexécution substantielle de leurs obligations.
Les dommages octroyés par le Tribunal
Les acheteurs réclament la différence entre le taux d’intérêt proposé par la HSBC en date de l’audience (4,79%) et celui qu’ils auraient obtenu aux dates initiales prévues pour la passation de titre (1,88%). Le Tribunal, reconnaissant le défaut des vendeurs de passer titre comme la conséquence immédiate et directe de cette majoration du taux d’intérêt, condamne les vendeurs à verser la somme de 43 147,01$ aux acheteurs.
De plus, puisqu’ils auront eu à déménager à trois reprises en raison du défaut des vendeurs et auront, de ce fait, eu à débourser des sommes importantes à cet égard, une somme de 1 500,00$ est octroyée aux acheteurs. Pour les sommes payées en double à titre de coût de connexion aux réseaux BELL, Hydro-Québec et Vidéotron, le Tribunal leur accorde également une somme de 100,00$. Finalement, le Tribunal ordonne aux vendeurs de verser aux acheteurs un montant de 4 000,00$ à titre de dommages moraux.
Conclusion
La Cour ne reconnaît pas la qualification de force majeure permettant de mettre fin à l’obligation de passer titre, telle que donnée par les vendeurs à la crise sanitaire de la Covid-19. Elle convient néanmoins qu’en certaines circonstances, une crise sanitaire semblable pourrait être assimilée à une force majeure.
Les vendeurs sont ainsi condamnés à passer titre, à délaisser la résidence en faveur des acheteurs et à payer à ceux-ci la somme de 52 747,01$ à titre de dommages-intérêts.
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[1] https://www.canlii.org/fr/qc/qccs/doc/2022/2022qccs3671/2022qccs3671.pdf